La lutte suisse
La lutte suisse, ou Schwingen, n’est pas une simple affaire de muscles. Elle oppose deux colosses en pantalons en toile rugueuse, pieds nus, dans un cercle de sciure de bois. L’objectif? Faire toucher le sol à son adversaire avec les deux omoplates, grâce à une prise astucieuse sur la culotte.
Si ça semble rustique, c’est en réalité codifié avec finesse : une douzaine de techniques officielles, un esprit chevaleresque et une poignée de main après chaque affrontement. Le respect est roi, et les champions sont des stars dans certaines vallées. On vient les acclamer, admirer leur force tranquille… et parfois repartir avec un fromage géant ou un taureau en guise de trophée.
C’est probablement le seul sport où on transpire autant que les vaches qui regardent. Le seul où on repart avec un bovin dans ses valises aussi.
Le hornuss
Vous n’avez jamais entendu parler du Hornuss? Normal. Mais en Suisse alémanique, c’est une institution. Ce sport rural met aux prises deux équipes : l’une propulse un palet, le fameux nouss, à l’aide d’une canne flexible, tandis que l’autre tente de l’intercepter au vol à l’aide de grandes palettes.
La difficulté? Le nouss peut filer à plus de 300 km/h. Autant dire qu’il vaut mieux avoir de bons réflexes et ne pas rêvasser en regardant les nuages. Les matchs se jouent sur de longs champs, dans un calme tendu, brisé par le claquement du départ ou les cris d’alerte. Un sport de précision et d’anticipation, entre tir sportif et duel à distance.
On pourrait croire à une invention moderne, mais le Hornuss existe depuis le XVIIe siècle. Comme quoi, les Suisses lançaient déjà des projectiles à grande vitesse bien avant les drones.
Le lancer de pierre d’Unspunnen
Ce n’est pas tous les jours qu’on demande à quelqu’un de lancer un rocher de 83,5 kilos. Et pourtant, c’est exactement ce que font les participants au lancer de pierre d’Unspunnen. Cette discipline impressionnante remonte aux grandes fêtes alpestres du XIXe siècle, organisées pour renforcer les liens entre les régions suisses. Elle est aujourd’hui encore pratiquée lors des Fêtes d’Unspunnen à Interlaken, tous les douze ans environ.
Le but? Lancer la pierre aussi loin que possible, avec une technique proche du lancer du poids — mais version granit massif. Il ne suffit pas d’avoir des bras comme des troncs: le geste doit être maîtrisé et précis. On y célèbre la force pure, mais aussi l’ancrage dans une tradition rustique, où l’effort physique est presque un hommage au territoire.
Et puis, soyons honnêtes: dans un pays où même les pierres ont des légendes, celle-là méritait bien sa discipline.
Le tchoukball
Créé à Genève dans les années 1970, le tchoukball est sans doute l’un des sports collectifs les plus originaux — et les plus pacifistes — de Suisse. Il se joue en salle, avec deux cadres inclinés à chaque extrémité du terrain, qui ressemblent à de petits trampolines, sur lesquels les équipes tentent de lancer un ballon pour qu’il rebondisse et touche le sol sans être rattrapé par l’adversaire. Interdiction formelle de gêner physiquement les autres joueurs : pas de tacles, pas de contacts, pas de cris de guerre.
Ce sport repose entièrement sur l’adresse, la vitesse, la coordination et l’anticipation. C’est un ballet rapide, fluide, presque chorégraphié. Le tchoukball plaît autant pour ses valeurs (respect, inclusion, mixité) que pour son rythme soutenu. Et puis, quelle autre discipline permet de shooter dans un trampoline en criant "tchouk" avec le sourire?
Le pontonnier
Sport nautique ancestral, le pontonnier pourrait ressembler à une balade tranquille sur les rivières suisses. En réalité, c’est tout l’inverse. Les concurrents doivent manœuvrer des Weidlinge, barques à fond plat d’environ 10 mètres de long, sur des parcours balisés en eau vive, à la rame ou à la pique (une longue perche pour pousser). Cela demande équilibre, précision, et un sens aigu du courant. L’épreuve, chronométrée, consiste à franchir des bouées, effectuer des virages serrés, parfois même remonter une section à contre-courant. Le tout sans tomber à l’eau, ce qui est déjà une performance.
À l’origine, cette pratique était liée au franchissement des rivières et à l’art de construire des ponts flottants, d’où le nom. Aujourd’hui, elle est devenue un sport exigeant — et une excellente façon de tester à la fois ses muscles et sa patience.
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